Mon voyage d’exploration commencera avec le fondateur de l’islam, le prophète Mahomet, et son livre saint, le Coran.
15Le prophète sert de modèle aux fervents musulmans. Pour étayer le fait que l’islam insiste sur la non-violence, les chercheurs mentionnent l’attitude du prophète Mahomet à la Mecque. Pendant douze ans, il y a été persécuté sans jamais se défendre, en insistant plutôt sur les vertus de l’indulgence (sabr) et de la patience. Le célèbre écrivain égyptien Alaa al-Aswany raconte des histoires connues sur la compassion de Mahomet envers les enfants et s’interroge : « Comment peut-on invoquer le même nom pour tuer ? – demande-t-il – On voit clairement que l’islam a été interprété de manière affreuse » (Mishra 2008).
16La notion d’émigration en tant que forme de protestation non-violente est essentielle à l’islam. Elle est vénérée parmi les musulmans qui pensent qu’en agissant ainsi, ils marchent dans les traces de Mahomet et de ses compagnons. La fuite, ou hijrah, du prophète et de ses disciples de la Mecque vers Médine constitue un moment religieux clé. Dès le viiie siècle, les musulmans de la communauté des Kharijites prirent ce concept au sérieux et s’exilèrent pour échapper à l’anéantissement. Bien des siècles après, d’autres musulmans, allant de l’Inde au Pakistan durant la partition du sous-continent, ont pris le nom de muhadjirs (« réfugiés »), car ils pensaient préserver leur foi grâce à l’hijrah, l’émigration.
17Après son exil à Médine, Mahomet a souvent préféré la diplomatie au conflit pour apaiser ses ennemis. Et lors de son retour triomphal à la Mecque, il a pardonné aux habitants au lieu de se venger. Sa vie est riche en exemples qui le montrent impliqué dans le maintien de la paix et le règlement des conflits, autant d’épisodes importants sur lesquels s’appuyer. Le fondateur de l’islam – la figure la plus vénérée dans l’histoire musulmane – nous fournit un guide pour emprunter la voie de la non-violence.
18« Les biographies traditionnelles indiquent clairement que si le premier ummah [« peuple »] a dû lutter pour survivre, Mahomet n’a pas remporté la victoire par l’épée mais grâce à une politique non-violente, originale et ingénieuse », écrit une comparatiste estimée comme Karen Armstrong (citée dans Noorani 2003 : 73-74) :
La dernière fois que Mahomet s’adressa à la communauté avant sa mort, il exhorta les musulmans à utiliser leur religion pour aller vers les autres avec compréhension, car tous les êtres humains sont frères : « Ô hommes, Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle et Nous vous avons partagés en peuples et en tribus afin que vous vous connaissiez entre vous ».
20Pour ce qui est du livre saint de l’islam, on entre dans le domaine des débats interminables sur son contenu et pour savoir quels sont les passages qui priment sur les autres. Quoiqu’il en soit, le Coran comporte plusieurs versets prohibant la violence. « Le Coran condamne catégoriquement l’usage de la force dans les affaires religieuses », écrit Armstrong. « Il a une approche ouverte, il reconnaît la validité de toute religion bien guidée et fait l’éloge de tous les grands prophètes du passé » (Abu-Nimer 2003 : 42).
21De nombreuses sourates ordonnent aux croyants d’être bons envers les autres. Parmi les qualités recommandées figurent l’amour, la gentillesse, l’affection, le pardon et la clémence. Le Coran souligne aussi que pardonner une mauvaise action est une bien plus noble qualité que de se venger. Il insiste en corollaire sur l’obligation d’accomplir de bonnes actions envers tout le monde, pas seulement les musulmans. Plusieurs passages du Coran interdisent l’agressivité. Tel est le cas du verset qui dit : « Tu ne failliras à percevoir d’eux encore une autre fourberie, à l’exception d’une poignée d’entre eux : accorde à ceux-là pardon, rémission. Dieux aime les bel-agissants » [5 : 13]. On lit ailleurs : « Ne controversez avec les Gens du Livre que de la plus belle sorte, sauf avec ceux d’entre eux qui auraient fait preuve d’iniquité. Dites, par exemple : “Nous croyons à la descente sur nous opérée, à la descente sur vous opérée. Notre Dieu ne fait qu’un avec le vôtre. À Lui nous nous soumettons” » [29 : 46]. Un autre verset porte sur un sentiment similaire : « Dis : “Je crois en ce que Dieu a fait descendre d’Écritures. J’ai reçu ordre d’établir entre vous la justice. Dieu est notre Seigneur et le vôtre. À vous vos œuvres, à nous les nôtres. Point d’argumentation entre vous et nous ! C’est Dieu qui nous confrontera” » [42 :15]. Reuven Firestone remarque à ce sujet :
La position de ces versets envers les adversaires au programme de Mahomet demeure constante, qu’il s’agisse des idolâtres ou des juifs et que ce soit lors de sa mission à la Mecque ou après le passage à Médine. Mahomet a pour obligation d’argumenter aimablement mais efficacement avec ses adversaires et de faire preuve de patience. Des allusions laissent entendre que Dieu punira peut-être ses adversaires mais il ne revient pas à Mahomet ou à la communauté musulmane d’infliger un châtiment ou d’aggraver le conflit.
23Il existe aussi des règles strictes en art de la guerre, par exemple des restrictions concernant la prise des armes par les enfants, les femmes et les vieillards. On attribue aux premiers califes le respect absolu de ces préceptes.
24Les musulmans considèrent que les Hadith, c’est-à-dire les prédications et les actes de Mahomet transmis de générations en générations, viennent en deuxième position après le Coran. La littérature des Hadith comprend également de nombreux commandements relatifs à la non-violence. L’un d’eux stipule clairement : « Je suis l’ennemi de quiconque lève la main sur les non-musulmans. Et quiconque dont je suis l’ennemi devra me rendre des comptes le jour du jugement dernier ». Un autre Hadith rappelle que « quand la violence pénètre dans quelque chose, elle la souille, alors que la douce courtoisie la glorifie. En vérité, Dieu accorde à un comportement aimable ce qu’il ne n’accorde pas à un comportement violent ».
25De telles références dans le Coran ou les Hadith témoignent de la place qu’occupe la non-violence au sein de l’islam.